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lundi 3 octobre 2011Les victoires du protectionnisme en Amérique du Sud
04/10/2011 00:05
L’Argentine renforce son arsenal protectionniste
C’est The Economist du 24 septembre qui revient sur les nouvelles mesures prises à Buenos Aires et Brasilia. L’hebdomadaire britannique détaille comment l’Argentine, qui en avait marre d’importer 96% de ses téléphones mobiles, a réussi à imposer à RiM d’assembler des Blackberry en Argentine, même si le coût du travail y est 15 fois supérieur à celui de l’Asie, par la mise en place de quotas qui limitaient les importations. L’objectif est de réduire les importations à 20% du marché.
L’Argentine impose même aux entreprises qui importent des produits de développer des activités d’exportation, comme ce vendeur de Porsche, Nordenwagen, qui s’est trouvé contraint d’investir dans le vin et les fruits et légumes ! Le gouvernement a également récemment introduit des limites aux rachats de terres par les étrangers (la Chine notamment). Enfin, une entreprise est considérée comme étrangère à partir du moment où 25% de son capital est détenu à l’étranger.
Le Brésil, encore et toujours protectionniste
Le Brésil n’est pas en reste. L’augmentation de la part des véhicules importés sur le marché automobile, de 16 à 23% depuis 2009, a provoqué l’instauration d’une taxe de 30% pour tous les véhicules fabriqués en dehors du Mercosur. Les nouvelles taxes mises en place par le gouvernement font également en sorte que les tablettes produites au Brésil sont un tiers moins cher que celles fabriquées à l’étranger. Foxconn va donc ouvrir une usine au Brésil pour produire des iPads.
Le Brésil refuse également que l’exploitation de ses ressources pétrolières se fasse principalement au profit d’entreprises étrangères, qui ne peuvent que prétendre au titre de partenaire minoritaire de l’entreprise nationale Petrobras. Comme en Argentine, le Brésil a introduit des limitations drastiques à l’achat de terres agricoles, suite aux achats massifs de Pékin. Cette décision aurait provoqué l’annulation de pas moins de 15 milliards de dollars d’investissement dans le domaine.
L’Europe, victime de moins en moins consentante de l’anarchie commerciale
Ces exemples sont particulièrement intéressants parce qu’ils touchent des produits (Blackberry, iPad) que plus personne en Europe n’imagine pouvoir faire produire ici. Que Buenos Aires parvienne à le faire montre qu’il ne s’agit que d’une question de volonté politique. S’il est évident que l’UE pourrait imposer des quotas visant à augmenter la production de téléphone en Europe, cela montre que la France pourrait imposer à Apple ou RIM de faire assembler leurs produits localement.
Keynes avait bien raison : un développement économique harmonieux suppose un équilibre des échanges commerciaux, comme il avait essayé de le faire reconnaître dans la charte de la Havane. Malheureusement, les imbéciles qui nous gouvernent ont fait du libre-échange une religion qui ne peut pas être remise en cause, à droite par adhésion au libéralisme, à gauche, par un internationalisme qui rejette toute notion de frontières, comme un principe quasiment sataniste.
Bref, merci à l’Amérique Latine et à l’Asie de montrer qu’au contraire, la croissance économique se conjugue avec le protectionnisme. Reste à se battre contre les préjugés qui dominent qui se fracassent contre le mur de la réalité. Heureusement, nous gagnons des points dans l’opinion.
Laurent Pinsolle
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